Test Rise of the Ronin : un jeu d'action historique entre choix et destin
Le test du jeu Rise of the Ronin, édité par Koei Tecmo Holdings et développé par Team Ninja, a été réalisé sur PC.


Sommaire
Rise of the Ronin

Il est des époques où le destin du monde tient dans l’ombre portée d’une lame. Des temps suspendus entre deux ères, où les cerisiers fleurissent une dernière fois avant que le sang ne rougisse la terre. Rise of the Ronin s’avance à pas feutrés, tel un rōnin au regard chargé d’histoires, le sabre dissimulé sous un haori en loques.
À l’instar des grandes fresques du Japon féodal, depuis Rurouni Kenshin, ou les silences poignants d’un film de Kurosawa, ce jeu tisse un pont entre l’élégie du passé et le tumulte du présent. Il ne vous demandera pas seulement de combattre, mais de choisir. De marcher entre les fantômes du bushidō et les flammes de la rébellion.
Et lorsque la brume se lèvera sur Yokohama, sachez-le : vous ne jouerez pas un samouraï. Vous porterez le poids d’une époque, l’écho d’un monde qui s’effondre, ou qui renaît.
Édité et développé par Koei Techmo, les artisans de la lame derrière Nioh, Dead or Alive, Dynasty Warriors ou encore Ninja Gaiden, Rise of the Ronin est une œuvre de passion, forgée dans l’acier brûlant du savoir-faire japonais, trempée dans les eaux troubles de l’Histoire et affûtée par le souffle épique des grandes tragédies. Mais derrière ces grands discours et cette emphase un brin ridicule (dont je suis un peu fier je l’avoue), que vaut vraiment Rise of the Ronin ? Réponse, en découvrant le test de Rise of the Ronin sur PC, disponible depuis le 11 mars 2025, après une sortie initiale sur PlayStation 5 le 22 mars 2024.
Rise of the Ronin n’est pas le jeu le plus poli de l’année, mais il frappe juste, et droit au cœur...
L'histoire de Rise of the Ronin

Le titre débute dans la pénombre tragique du XIXe siècle japonais, au cœur d’une époque de bouleversements où le pays, figé depuis des siècles dans l’ombre bienveillante de l’Empire, se voit brutalement secoué par l’arrivée des puissances occidentales. C’est l’ère du Bakumatsu, période trouble où l’ordre ancien chancelle sous les coups de boutoir des navires noirs de Perry et des tensions internes grandissantes. Une époque cruciale, où chaque sabre dégainé semble annoncer la fin d’un monde et l’aube sanglante d’un nouveau.
Dans ce contexte historique aussi dense qu’un rouleau de soie tissé par le destin, le joueur incarne un rōnin dont l’histoire prend racine dans un événement traumatique : un village anéanti, un passé consumé par les flammes, et deux enfants liés par le sang et la tragédie. Ces derniers sont recueillis par une mystérieuse organisation, et formés dans l’ombre à devenir des assassins redoutables, les Jumeaux de Lame. C’est dans cette fraternité tranchante que le joueur prend vie, à travers un éditeur de personnage complet, détaillé, permettant d’incarner non seulement un guerrier ou une guerrière, mais une véritable incarnation façonnée selon sa propre vision du bushidō.

Très tôt, le récit prend un tour aussi théâtral que spectaculaire : une mission visant à assassiner nul autre que le Commodore Perry, une figure historique réelle, symbole de l’ouverture du Japon au monde occidental. Cette tentative, qui tourne au désastre, sépare les deux jumeaux et jette le joueur dans une épopée solitaire à travers un archipel en pleine ébullition. Là, chaque rencontre, chaque choix, chaque allégeance pèse lourdement sur la trame historique et politique de l’époque. L’histoire propose en effet un système de choix et d’embranchements qui, sans aller jusqu’à créer une infinité de mondes parallèles, permet de modifier sensiblement les relations entre factions et personnages clés.
Car loin de se contenter d’un récit linéaire, le jeu vous donne l’opportunité de rencontrer, épauler ou affronter certaines des grandes figures historiques du Japon du XIXe siècle : Ryōma Sakamoto, visionnaire charismatique ; Genzui Kusaka, fervent loyaliste ; et bien d’autres, incarnés avec brio dans une fresque narrative qui mêle fiction et réalité. Cette approche narrative à la fois sérieuse et accessible offre un équilibre subtil entre la fidélité historique et le romanesque pur.
Toutefois, malgré cette richesse thématique, le jeu ne s’encombre pas d’un ton pesant ou académique. Il propose une vision romancée de l’Histoire, un peu à la manière d’un jeu de la série Assassin’s Creed, ou d’un film de samouraï moderne. L’intrigue, bien qu’inspirée de faits réels, n’hésite pas à prendre des libertés, à dramatiser les événements, voire à les simplifier pour les rendre plus digestes. Il en résulte une fresque épique, parfois un peu naïve dans son traitement des enjeux géopolitiques, mais toujours captivante grâce à son rythme soutenu, ses retournements de situation, et la qualité d’écriture de ses personnages.
L’ensemble donne naissance à une aventure passionnante, où le joueur devient bien plus qu’un simple observateur : il est acteur d’un basculement historique, pris entre devoir, vengeance, liberté et honneur. Une fresque où le sabre, la poudre et les convictions croisent le fer dans un Japon à la croisée des mondes.
Game System
Il y a des jeux où l’on sent que les développeurs se sont contentés de suivre le bushidō du monde ouvert : points d’intérêt, icônes à collecter, missions FedEx. Ce n’est pas le cas de Rise of the Ronin. Certes, il s’autorise quelques chemins de traverse paresseux, mais lorsque l’acier siffle et que les lames s’entrechoquent, on comprend immédiatement : nous sommes sur le domaine de Team Ninja, gardiens du sabre rapide et du combat exigeant.

Les missions principales se répartissent comme un service de thé bien orchestré : certaines sont infusées dans le monde ouvert, vous y entrez comme dans une auberge un soir de pluie, naturellement, sans transition. D'autres sont servies à la manière des anciens Ninja Gaiden ou Nioh, comme des kaiseki cérémonieux : en solo ou avec deux compagnons que l’on peut changer à volonté, vous partez accomplir une tâche unique, qu’il s’agisse de libérer un camarade de geôle ou de faire passer l’âme d’un fonctionnaire corrompu de l’autre côté de la lame.
Ces missions instanciées sont de loin les plus savoureuses : leur rythme, leur intensité, leur composition rappelle les ballets sanglants de Sekiro ou les embuscades sinistres de Ghost of Tsushima. Et la possibilité d’y inviter deux amis est une bénédiction du Bouddha du multijoueur, même si le jeu oublie parfois de préciser si vous allez être accompagné ou pas. Dommage, car rien ne gâche plus un duel que l’attente d’un compagnon resté coincé dans une autre instance.
Mais oubliez ces petits tracas : lorsque le combat débute, Rise of the Ronin s’élève au niveau des plus grands sensei. Le katana fend l’air, l’odachi tonne comme un coup de tonnerre sur le mont Fuji, et chaque affrontement devient un duel d’âmes. La comparaison la plus évidente, c’est bien sûr Nioh. Et pour cause : le système s’appuie sur la même structure souple, intense, où chaque type d’arme s’apprivoise comme une forme d’art martiale.
Vous aimez le raffinement du sabre occidental ? L’agilité des lames jumelles façon ninja de Tenchu ? Ou l’imposant odachi qui évoque la danse brutale de Guts dans Berserk ? Il y a tout cela, et plus encore. Mon cœur penche pour le sabre de bœuf couplé à une grande épée — de quoi incarner à la fois Michelle Yeoh dans Tigre et Dragon et Siegfried dans SoulCalibur, tout en gardant l’élégance meurtrière d’un samouraï en disgrâce.
Chaque arme possède ses styles, comme autant d’écoles martiales issues de parchemins secrets. Le katana, noble entre tous, propose jusqu’à huit styles de combat, dont un inspiré des mouvements de Ryu Hayabusa — oui, l’Izuna Drop est là, et il est toujours aussi jouissif. En revanche, certaines armes, comme mes bien-aimées lames jumelles ou l’odachi, sont moins gâtées, avec seulement trois ou quatre styles. Pas d’injustice flagrante, mais un déséquilibre qui donne envie de trahir parfois son arme de cœur pour expérimenter de nouvelles écoles.

La jauge de Ki, héritée de Nioh, rythme vos attaques et vos défenses. Gérer son énergie devient aussi crucial que choisir son haïku. Si votre adversaire voit sa barre de Ki vidée, il devient vulnérable à un coup critique qui peut le trancher net. Ajoutez à cela des armes secondaires : arcs, fusils, bombes fumigènes, et même un lance-flammes (parce qu’en 1868, tout est permis), et vous obtenez un système de combat aussi riche qu’un banquet de daimyō.
La vraie perle, c’est l’Étincelle de Contre. Imaginez une parade, mais transfigurée par la rage du sabre : elle repousse, étourdit et vous offre une ouverture digne d’un duel de Rurouni Kenshin. Réussie, elle peut même enflammer votre lame ou détourner une balle de mousquet. Ratée ? Vous voilà au sol, le nez dans les sakura, repensant à vos fautes.
C’est exigeant, c’est grisant, c’est tout ce qu’on aime dans les jeux de Team Ninja. Vous pensiez juste esquiver et frapper ? Vous passerez à côté du potentiel de ce système comme un rônin saoul devant un duel à l’aube.
Ajoutez à cela un grappin polyvalent, pour bondir, attirer ou projeter, la Rafale Violente (changer de style en plein combo), l’Éclair de Lame (essuyer sa lame pour restaurer son Ki, très théâtral, très Zatoichi) et d’autres mécaniques que je tairai ici pour ne pas vous gâcher la surprise. Mais croyez-moi : lorsque tout s’aligne, Rise of the Ronin vous donne l’impression de rejouer la scène finale de 13 Assassins en boucle. Sauf que cette fois, c’est vous le héros.
Graphisme
Graphiquement, Rise of the Ronin ne cherche pas à rivaliser avec les fresques photoréalistes d’un Ghost of Tsushima, mais il propose une vision stylisée et cohérente du Japon féodal en mutation. Le portage PC ajoute des effets modernes : ray tracing, 8K, framerate débridé à 120 fps, compatibilité ultra wide... autant d’artifices qui, sur le papier, évoquent le raffinement d’un sabre forgé par un maître.

Mais comme tout sabre trop poli, il révèle quelques fêlures. Même sur un PC costaud, le jeu souffre parfois de chutes de framerate, notamment en 4K ou en 21:9, et même lors de séquences aussi anodines que la création de personnage. Le ray tracing, bien qu’élégant, est glouton, et on se surprend à ajuster les ombres pour maintenir les 120fps promis.
Cela dit, la beauté du jeu réside moins dans sa technique que dans sa direction artistique. Des panoramas sur les côtes de Yokohama, des villages enneigés sous une lune d’onyx, ou des temples noyés dans la brume... autant de tableaux mouvants qui évoquent Hokusai autant que Studio Ghibli.

Bande son
Si Rise of the Ronin était une chanson, ce serait une ballade au shamisen entrecoupée de percussions tonitruantes, de claquements de lames et de murmures dans le vent. Sous la houlette du compositeur Inon Zur, la musique de Rise of the Ronin tisse une toile sonore où se mêlent les notes mélancoliques du shakuhachi et les grondements des taikos. Ce mariage entre instruments traditionnels japonais et orchestrations occidentales évoque les tensions d'une époque en mutation. Chaque mélodie accompagne le joueur, tel un chant de guerre ou une berceuse, selon les circonstances. La bande-son vous berce et vous galvanise tour à tour. Les thèmes musicaux mêlent instruments traditionnels japonais, flûtes shakuhachi, koto, percussions taiko, à des compositions orchestrales modernes, donnant à chaque zone, chaque combat et chaque instant d’émotion une couleur sonore propre.
Les doublages sont impeccables, avec une option japonaise évidemment recommandée : on y sent la ferveur d’un capitaine pro-empire, la fatigue d’un ancien samouraï, ou le feu qui anime une rebelle révolutionnaire. Les effets sonores, eux, sont chirurgicalement ciselés. Le sifflement d’une lame, le crissement de la neige sous vos pas ou le rugissement d’un mousquet donnent vie à chaque scène.
Une bande-son à la hauteur de l’épopée, qui n’aurait pas dépareillé dans un film de Takeshi Kitano ou un animé de samouraïs revisité par Yuki Kajiura.
Mon avis concernant Rise of the Ronin sur PC
Comme un haïku gravé sur une lame, Rise of the Ronin laisse une empreinte singulière : brute parfois, mais pleine de grâce. Son souffle narratif, inspiré des rouleaux d’antan, offre une fresque immersive du Japon du Bakumatsu, où fiction et Histoire dansent comme deux sabres dans le clair-obscur. La liberté de choix, l’incarnation de figures historiques, et l’émotion portée par la mise en scène font du jeu une épopée aussi passionnée qu’un duel à l’aube.
Le gameplay, exigeant et généreux, porte l’empreinte de Team Ninja : tranchant, nerveux, raffiné comme un katana forgé par Masamune lui-même. Loin des open worlds génériques, il propose un monde vivant, rythmé par des combats d’une intensité rare. Mais à force de vouloir mêler tant d’écoles – infiltration, exploration, RPG, baston à la Sekiro, le jeu vacille parfois sur ses appuis. Quelques lourdeurs techniques, une mise en scène inégale selon les arcs, et une direction artistique en retrait face aux cadors du genre freinent parfois son envol.
Rise of the Ronin n’est pas le jeu le plus poli de l’année, mais il frappe juste, et droit au cœur. Un dernier salut sous les cerisiers, avant que le vent de l’Histoire n’efface les traces du sabre dans la poussière...