Test du jeu RIOT: Civil Unrest : gilets jaunes contre forces de l'ordre

Le test du jeu RIOT: Civil Unrest, édité par Merge Games et développé par IVP Productions, a été réalisé sur PS4.

Test du jeu RIOT: Civil Unrest : gilets jaunes contre forces de l'ordre

RIOT: Civil Unrest

Test du jeu RIOT: Civil Unrest : gilets jaunes contre forces de l'ordre

Le chantier, les autoroutes, les champs, les villes se sont transformés en véritable champ de bataille pendant 4 mois. Tous les habitants, des prêtres aux retraités, sont devenus des combattants dans une guérilla contre l’État. Cela ne vous rappelle rien ? Et pourtant, ce texte fait partie du scénario du jeu RIOT: Civil Unrest.

RIOT: Civil Unrest va vous placer dans des situations d’émeutes entre policiers et manifestants

Riot Civil Unrest est un jeu développé par Leonard Menchiari et IV Productions, et édité par Merge Game. Ce jeu me pose un cas de conscience. D’un côté, je souhaite le tester comme tous les autres jeux que j’ai déjà testés jusqu’à présent, d’un autre côté la démarche artistique et politique derrière ce jeu m’invite à ne pas le considérer comme un jeu comme les autres et à le présenter sans note tant ce qu’il met en scène est sérieux. Du coup, je vais faire un test normal en expliquant du mieux que je peux pourquoi Riot est un jeu à part. Voici le test de RIOT: Civil Unrest sur PS4, un jeu également disponible sur PC, Mac, Switch, Xbox One, iOS et Android.

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L'histoire de RIOT: Civil Unrest

18/20

RIOT: Civil Unrest va vous placer dans des situations d’émeutes entre policiers et manifestants. À la différence d’un jeu comme Beholder qui nous mettait dans une situation vraisemblable pour nous faire réfléchir, nous sommes ici dans des situations réelles, ce qui pousse encore plus loin l’investissement émotionnel du joueur.
La révolution de Tahrir en Égypte qui a permis la destitution du président Moubarak, en Italie le mouvement NO TAV en opposition à la construction d’un train à grande vitesse, un peu comme nos Zadiste de Notre Dames des Landes… Nous sommes face à des situations qui ont mené des peuples à se soulever, à risquer leur vie pour défendre des valeurs et devenir maître de leur destin.
« Espérer, c’est faire mentir l’avenir. » Quand l’avenir semble être aussi inéluctable que sombre, l’espoir est une force telle qu’elle peut surgir du peuple et lui donner un élan tel qu’il devient capable de transformer l’inéluctable en contournable.
Mais l’espoir peut aussi être dangereux, l’espoir peut rendre fou. Et les rêveurs vont voir se fracasser leurs rêves contre le bouclier des CRS.
La société, elle, oscille, se questionne, s’emmêle dans des enjeux complexes, et des volontés contradictoires de liberté qui part définition, nous offrent l’incertitude et l’ordre qui lui, nous enferme dans la frustration.

Riot Civil Unrest réussit à concilier l’interactivité du jeu vidéo avec un discours nuancé et politique passionnant, sur un sujet on ne peut plus d’actualité

RIOT: Civil Unrest
RIOT: Civil Unrest

C’est tout cela que RIOT: Civil Unrest développe, en nous permettant d’incarner tour à tour chacun des bords de ses conflits, les cheveux longs et les tongs, puis les casques et les rangeots.
La force du jeu, c’est de mettre en lumière de manière documentée ces conflits, et de faire ressortir aussi notre ignorance en la matière, les médias et les livres d’histoires hésitant souvent à relayer, à nous rappeler les conflits au sein même de nos pays européens qui font des blessés, qui font des morts.
J’ai découvert très récemment le massacre de Diaz, lors des manifestations contre le G8 de Gênes et qui a fait 600 blessés, des policiers qui ont perpétré des actes de torture inimaginable… Le tout se déroulant en 2001. La plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale selon Amnesty International, à 10 heures de voiture de chez moi et je n’en avais jamais entendu parler.
Comme le film Diaz: Don't Clean Up This Blood (qui relate les évènements cités plus haut), RIOT: Civil Unrest fait partie des œuvres artistiques qui permettent de porter un regard moins consensuel, plus critique sur nos sociétés, sans faire dans le manichéisme. Les problématiques sont complexes, et ces œuvres prennent soin de donner aux joueurs / spectateurs le choix de la morale qu’il en tire.
Dans le contexte actuel de Gilet Jaune, il est bon de prendre un peu de hauteur et d’avoir une vision plus globale.

RIOT: Civil Unrest
RIOT: Civil Unrest

Game System

16/20
Test du jeu RIOT: Civil Unrest : gilets jaunes contre forces de l'ordre

Le jeu RIOT: Civil Unrest est très simple sur son principe. Pour chaque partie, toute la carte est contenue dans un écran : si vous êtes manifestant, vous allez devoir empêcher les forces de l’ordre d’avancer, protéger des tentes, etc. Et si vous êtes CRS, vous allez devoir évacuer une place, détruire des installations illégales, etc.


Si sur le principe le jeu est très simple, dans les faits cela devient beaucoup plus complexe et intéressant.
Tout d’abord, il y a deux types de victoires : une victoire militaire et une victoire politique. La victoire militaire, c’est la réussite des objectifs. La victoire politique dépend de la manière dont cela s’est déroulé, c’est la manière dont l’opinion publique soutien un camp. Et cette particularité rend le jeu tout à fait réaliste et nuancé en faisant intervenir les médias.
Je vais donner un exemple : si vous faites partie des forces de l'ordre, et que vous parvenez à faire évacuer une place en utilisant une force totalement disproportionnée, en tirant à balles réelles sur les manifestants... L’opinion publique vous sera défavorable et les citoyens soutiendront les manifestants.
Inversement, si vous êtes dans le rang des manifestants et que vous parvenez à tenir en respect les CRS en utilisant des cocktails Molotov à tire-larigot, vous allez avoir l’opinion publique contre vous.
En reprenant l’exemple des Gilets Jaunes, on voit bien manifestations après manifestations, que chaque camp essaye de décrédibiliser l’autre en l’accusant de violence injustifiée, et la guerre politique, c’est-à-dire la guerre pour l’opinion publique, se joue grâce aux médias officiels et aux médias sociaux (Facebook, Twitter…).

RIOT: Civil Unrest
RIOT: Civil Unrest

Voici comment se déroule une partie de RIOT: Civil Unrest :
Vous allez choisir votre type de jeu. Histoire et vous allez faire toutes les missions d’une région dans l’ordre avec une trame scénaristique, ou Jeu Libre dans laquelle vous allez choisir une mission seule.
Ensuite, vous allez choisir votre camp, manifestant ou police.
Puis votre équipement. Plus vous allez vous équiper « lourdement », plus vous ferez monter une jauge de point qui correspond donc à la valeur de votre camp, et plus en face vous aurez une force puissante qui vous fera face, équivalente en points à la vôtre. Cela permet d’équilibrer les parties.
La police va avoir à choisir l’équipement des différentes unités : tactiques (CRS au bouclier), Assault (genre la BAC qui est plus mobile et peut arrêter des gens) et balistique. Chacune de ces trois unités devra être équipée selon vos choix d’armures lourdes ou légères, de bâtons plus ou moins longs, douloureux… de grenades lacrymo ou fumigène. Le choix est très vaste et feront grandement varier vos points.
Les militants eux, choisiront également pour chacune de leurs unités l’équipement à disposition : choisissez un mode pacifique et vous aurez à votre disposition mégaphone, drapeaux, etc. Ou bien au contraire, optez pour un mode guérilla et vous serez moins nombreux, mais beaucoup plus agressif avec Molotov, cailloux, manche de pioche, etc.

RIOT: Civil Unrest
RIOT: Civil Unrest

C’est là que la stratégie du jeu devient tout à fait passionnante. Vous n’êtes pas face à une armée type RTS comme dans un classique Age of Empire ou Warcraft, bien disciplinée et organisée, mais vous faites face à une foule. Ainsi la stratégie passe beaucoup dans la façon dont vous allez manipuler cette foule qui vous fait face. La Police va devoir scinder les manifestants, trop fort quand ils sont soudés. Cela passera par le mur d’unités tactiques au bouclier, des arrestations ciblées pour effrayer, une grenade lacrymo bien placée. Pour les manifestants, cela passe par la manipulation de l’humeur de la police. Énervez-les en lançant des pétards, utiliser votre mégaphone pour rassembler les manifestants, commencer à lancer des chants pour galvaniser les vôtres pour pousser l’adversaire à la faute, utiliser ensuite caméra et appareil photo pour inonder les réseaux sociaux d’images d’abus pour séduire l’opinion publique.

La gestion de la victoire, la vision de la foule et de ses dérives sont très finement décrites dans ce jeu, de la même manière que les mécanismes qui font qu’une victoire médiatique est plus importante qu’une victoire sur le terrain. Encore une fois, on voit comment les conflits avec les Gilets Jaunes, ou les Zadistes démontrent que les développeurs ont été particulièrement perspicaces et nous offre une vision brillante des subtilités des combats pour les enjeux de notre époque (le projet était en développement depuis 2013).
En ce sens, le jeu est une réussite totale, le gameplay nous permet de réfléchir, de comprendre des enjeux sociaux et politiques, c’est une utilisation brillante, même génial du jeu vidéo qui n’est plus un loisir, mais force créatrice, puissance artistique au même titre que le cinéma ou toutes les autres formes d’art. À ce titre, je n’ai pas envie de lui donner une note comme s’il s’agissait d’un simple produit ludique.
Mais en même temps, il peut être perçu comme un jeu comme les autres, avec ses mécaniques qui permettent d’avancer, de gagner ou de perdre. Et prit ainsi, le jeu n’est pas exempt de défauts.
L’absence de tuto est très préjudiciable, il est compliqué de comprendre au début ce qu’il se passe.
Cette confusion est par ailleurs un des ressorts voulu par les développeurs, car sur des mouvements humains, le chaos est la norme. Le vrai reproche tient plutôt dans la gestion à la manette, très mal aisé, et le jeu a été bien mieux pensé au clavier / souris. Dommage que ce portage ait été raté.
Enfin, il faut bien avouer que RIOT: Civil Unrest devient redondant, après un certain nombre de parties, on sent qu’on a fait le tour des possibilités.

RIOT: Civil Unrest
RIOT: Civil Unrest

Graphisme

18/20
Test du jeu RIOT: Civil Unrest : gilets jaunes contre forces de l'ordre

Là encore, je suis bluffé par le rendu du jeu. L’équipe nous livre un travail en pixel art très réaliste ! Les deux notions sont plutôt contradictoires, le pixel étant l’ennemi du réalisme. Mais dans RIOT: Civil Unrest, la qualité du design, des effets de lumière, de la foule, et surtout l’animation des personnages font qu’on arrive à ce qui me semblait incompatible : un vrai pixel art réaliste. Chapeau messieurs !

RIOT: Civil Unrest
RIOT: Civil Unrest

Bande son

14/20

Là encore, on est sur du réalisme, mais contrairement au travail sur les graphismes, le tout me semble plus conventionnel, le bruit lointain et distant de la foule ne m’a jamais bluffé, je n’ai jamais eu ce sentiment d’être plongé dans un vrai conflit. Le résultat est tout de même très convaincant.

ConclusionMon avis concernant RIOT: Civil Unrest sur Sony Playstation 4

16/20

Autant le dire tout de suite, la démarche artistique des développeurs est absolument admirable, et c’est bien pour cela que je suis embarrassé : d’un côté, on peut prendre le RIOT: Civil Unrest comme un loisir, car comme tous les jeux vidéo, il a des mécaniques qui permettent de gagner, de perdre, de progresser. Mais on peut également le prendre comme une œuvre d’art qui permet de véhiculer des idées et des émotions, permettant de voir ces évènements réels d’une manière originale.
En tant que jeu vidéo, Riot Civil Unrest est très intéressant et original, entaché par une confusion et une répétitivité.
En tant qu’œuvre vidéoludique d’art, Riot Civil Unrest réussit l’exploit de concilier l’interactivité du jeu vidéo avec un discours nuancé et politique passionnant sur un sujet on ne peut plus d’actualité.

En résumé

Les points forts Les points forts de RIOT: Civil Unrest

  • - L’intelligence du game design au service du propos
  • - Les graphismes bluffant de réalisme tout en pixel art
  • - Le choix des conflits, suffisamment important et méconnus.

Les points faibles Les points faibles de RIOT: Civil Unrest

  • - L’absence de tuto
  • - La confusion globale du jeu

Bande annonce de RIOT - Civil Unrest

Micromania