Analyse critique : KARMA The Dark World. Mémoire, identité et société dystopique

publié le 7 septembre 2025 à 13h45.
Dernière modification le 7 septembre 2025 à 23h24

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Critique du jeu KARMA The Dark World sur PS5

KARMA The Dark World se présente comme un thriller psychologique à la première personne, situé dans une Allemagne de l’Est dystopique en 1984. Le joueur incarne Daniel McGovern, agent du “Bureau des pensées” de la corporation totalitaire Léviathan, chargé d’enquêter en plongeant dans les souvenirs de suspects. Très vite l’atmosphère rappelle 1984 d’Orwell ou Brazil de Gilliam : un monde de surveillance oppressante où réalité et illusion se confondent. La narration fragmentée du jeu (via des flashbacks mémoriels, des visions oniriques et un récit non linéaire) engage le joueur à questionner ce qui est réel. Cette intro pose clairement l’enjeu : qui contrôle la mémoire contrôle la vérité et l’identité.

KARMA The Dark World sur PS5

Développé par Pollard Studio et édité par Wired Productions, le jeu est disponible sur PC, PlayStation et Xbox. Pour un aperçu plus concret, je vous invite à lire le test de KARMA The Dark World écrit par XLAN. Mais KARMA The Dark World est plus qu’un simple jeu narratif : c’est une réflexion immersive sur la mémoire, l’identité et la liberté. Je vous explique...

KARMA The Dark World agit comme un avertissement : manipuler la mémoire, c’est manipuler la vérité
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Histoire

Le cœur du jeu porte sur la mémoire et l’identité. À chaque enquête, Daniel utilise une interface d'immersion mémorielle pour revisiter les souvenirs d’un témoin ou d’un suspect sans leur consentement. Ces plongées successives qui rappelle les casques de réalité virtuelle d'aujourd'hui, dévoilent peu à peu les tragédies personnelles des personnages, et rassemblent les pièces d’une étrange conspiration qui finit par faire vaciller l’identité même du protagoniste. Daniel découvre en effet que ses propres souvenirs ont été manipulés. Il a perdu la mémoire de son passé en rejoignant Léviathan, effaçant ainsi les pouvoirs qui l’unissaient à sa sœur. KARMA joue sur les frontières du réel et du simulacre et ce mécanisme narratif rappelle d’autres œuvres comme Observer de Bloober Team, qui explore les souvenirs hackés, et Total Recall ou Space Adventure Cobra, où les protagonistes, Quaid et Cobra, ont des souvenirs modifiés. Dans un registre plus mélancolique, le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind explore le même thème où des amants effacent leurs souvenirs douloureux, KARMA questionne ce qu’il reste de notre identité lorsque la mémoire est altérée. L’analogie avec Ubik de Philip K. Dick est aussi évidente : dans ces univers, la réalité est instable, les repères personnels s’effondrent, et "tout ce que vous pensiez savoir est faux".

KARMA The Dark World sur PS5 KARMA The Dark World sur PS5

Cette remise en cause des souvenirs se double d’une remise en cause du libre arbitre. Conçu comme un "voyage spirituel" aux accents psychédéliques, le jeu fait douter Daniel de ses choix. Il découvre qu’une puissante intelligence artificielle nommée MOTHER (créée par son propre père) tire les ficelles derrière Léviathan, programmant les agents de l’ombre tels des automates. Privé de ses pouvoirs et manipulé dès l’enfance, Daniel n’a eu d’autre option que de suivre les ordres de l’organisation. Dans ce contexte, chaque décision prise par le joueur au travers de Daniel pose la question : est-ce vraiment lui qui commande, ou son esprit est-il déjà formaté ? Cette thématique de la "perte de soi" renvoie aux récits où la personnalité se dilue sous la contrainte. Je pense aux androïdes de Nier: Automata, dont la mémoire est effacée chaque année pour maintenir un ordre établi, et qui finissent par interroger leur propre destinée. KARMA suggère que dans une société totalitaire, les choix individuels peuvent n’être qu’une illusion.

KARMA The Dark World sur PS5

L’univers dystopique de KARMA convoque naturellement l’ombre de 1984 de George Orwell. Comme dans le roman, la mémoire collective y est sans cesse remodelée pour servir le pouvoir : ce que le Ministère de la Vérité faisait en falsifiant les archives, le parti Léviathan l’applique à travers ses expériences et sa propagande. Le fameux "Big Brother vous regarde" trouve ici un écho dans un État corporatiste sans visage, où la surveillance ne se limite plus aux gestes mais s’immisce jusque dans les pensées. Le test Dasein, imposé dès l’enfance, illustre cette volonté de briser l’individu avant même qu’il puisse s’affirmer.

KARMA The Dark World sur PS5 KARMA The Dark World sur PS5

Mais KARMA ne se contente pas d’Orwell. On y retrouve aussi l’absurdité glaçante de Brazil de Terry Gilliam : des couloirs administratifs étouffants, des procédures kafkaïennes, un humour noir qui rend l’oppression encore plus insupportable.

KARMA The Dark World sur PS5

Dans les deux cas, l’individu se heurte à une machine bureaucratique qui écrase toute singularité sous couvert d’un idéal supérieur. Entre slogans énigmatiques, affiches de propagande et contrôle mental systématique, KARMA rappelle que le totalitarisme n’asservit pas seulement les corps, mais cherche avant tout à coloniser les esprits.

KARMA The Dark World sur PS5

Sur un plan métaphorique et thématique, KARMA partage avec ces œuvres le même message d’avertissement : dans un régime totalitaire, l’esprit humain peut devenir l’outil du pouvoir. À l’instar de Winston Smith et de Sam Lowry (de 1984 et Brazil), Daniel navigue entre révolte intérieure et désespoir, oscillant entre la croyance qu’il peut changer le monde et la certitude qu’il n’est que le jouet d’un système. Le jeu encourage le joueur à remettre en question le sens de la réalité et de l’autonomie personnelle, un peu comme Silent Hill 2 confronte son héros à ses démons intérieurs, ou Control montre les découvertes troublantes d’une agence secrète sur la mémoire, mais ici dans une esthétique volontairement rétro et angoissante.

KARMA The Dark World sur PS5 KARMA The Dark World sur PS5

En mêlant intrigue de science-fiction dystopique et horreur psychologique, le jeu KARMA The Dark World invite le joueur à s'interroger sur le poids du passé dans la construction de soi et sur le degré de contrôle qu’un pouvoir totalitaire peut exercer sur l’âme humaine. Ce monde enseigne que contrôler les souvenirs, c’est façonner la vérité. Et en cela, KARMA s’inscrit dans la lignée des œuvres majeures qui montrent combien tout n’est pas toujours ce qu’il semble être, et combien le libre arbitre peut n’être qu’une ultime frontière à défendre dans les ténèbres d’une société totalitaire.

Mon avis concernant KARMA The Dark World sur Sony Playstation 5

16/20

Dans un monde où les intelligences artificielles et les algorithmes réécrivent déjà notre perception du réel, KARMA The Dark World agit comme un avertissement : manipuler la mémoire, c’est manipuler la vérité. J'ajoute pour finir la conclusion de XLAN que je partage :
KARMA: The Dark World est un voyage dans un cauchemar dystopique, un labyrinthe mental à la croisée de David Lynch et George Orwell. Il pose des questions sur le contrôle, la mémoire, la réalité. Il déroule une esthétique sombre, rétro-futuriste, qui marque la rétine et laisse une empreinte.
Dans l’univers de KARMA, il n’y a ni victoire, ni évasion, seulement la certitude glaçante que chaque pas en avant est un pas de plus dans la dissolution de soi. Comme un reflet brisé dans un miroir sans tain, le jeu nous force à scruter notre propre visage sans jamais être certain qu’il nous appartient encore.
Leviathan veille. Les machines enregistrent. Les souvenirs se modifient. Ce que vous croyez vrai aujourd’hui ne sera peut-être qu’un rêve creux demain. KARMA est une descente vertigineuse où la peur ne surgit pas, elle s’infiltre. Comme une idée interdite que l’on n’ose formuler. Comme un murmure sous la peau.
Mother is watching. Always.

Bande annonce du jeu KARMA: The Dark World