Test du jeu Frosthaven sur PC : héritier de Gloomhaven, ce jeu est gargantuesque
Le test du jeu Frosthaven, édité par Arc Games et développé par Snapshot Games, a été réalisé sur PC.


Sommaire
Frosthaven

Aux confins des terres gelées, là où le vent hurle comme un spectre et où les flammes vacillent sous le poids de la glace, se dresse Frosthaven, héritier direct du monumental Gloomhaven. Ce nom résonne comme une promesse d’épopées, de batailles et de récits gravés dans le givre éternel.
Derrière ce colosse vidéoludique, on retrouve le studio belge Snapshot Games au développement, et Arc Games à l’édition : deux artisans du fantastique qui ont choisi de relever l’un des plus grands défis du jeu de plateau moderne imaginé par Isaac Childres, en l’élevant à une dimension numérique.
C’est une fresque, un bastion dressé dans la neige. Et c’est à travers ses mécaniques exigeantes, sa narration foisonnante et ses paysages glacés qu’il appelle les aventuriers à prendre part à une odyssée hors du commun. Découvrez le test de Frosthaven, disponible sur PC via Steam en accès anticipé depuis le 31 juillet 2025.
Frosthaven est un titan vidéoludique, un livre d’histoires vivantes où chaque partie devient un chapitre de votre propre légende
L'histoire de Frosthaven
Dans la continuité grandiose du jeu Gloomhaven, Frosthaven déploie un univers méd-fan d'une richesse saisissante, où la magie polaire, les créatures originales et une narration dense s’entrelacent avec raffinement.

À l’origine un jeu de plateau, Frosthaven se distingue par son souci extrême du background, une profondeur rarement atteinte dans le genre, loin des parties ordinaires, plus proches d’un roman interactif que d’un simple jeu.

On commence dans un avant-poste isolé du grand Nord, sur le point de muter en véritable forteresse contre le froid mortel et les ténèbres rampantes. L’atmosphère, teintée de brumes glaciales et de portes anciennes, évoque tant l’univers de Warhammer que celui de la Trilogie de l'Anneau-Monde (Larry Niven), où chaque mur semble murmurer une légende oubliée.

La trame narrative repose sur des scénarios à embranchements, et en plus des scénarios que vous débloquez progressivement, des rencontres aléatoires en ville et en chemin, activés par la pioche d’une carte de mission, poussera vos réflexions pour chacun de vos choix. Chaque choix, qu’il soit mineur ou lourd de conséquences, tisse la toile du récit, transformant le moindre retournement en un chapitre important de votre odyssée.
Ajoutons à cela la profondeur de l’univers : Gloomhaven, déjà dense, trouve ici une extension organique, peuplée de races inédites, de magies ténébreuses et de secrets ancestraux, tout en conservant son originalité si chère.

Le jeu propose également une narration personnelle forte : les personnages ne sont pas des coquilles vides, mais des âmes en quête d’accomplissement. Leurs arcs se développent, parfois jusqu’à la retraite, mais alors, tel un mage revenant d’un long périple, ils ressurgissent en PNJ, enrichissant la campagne de rencontres inattendues et d’une personnalisation plus fine.


Pendant les scénarios, l’histoire reste un levier de gameplay, et non un simple décor. Des totems de magie obscure peuvent renforcer les ennemis tant qu’ils subsistent ; pousser une porte peut révéler qu’un allié se révèle être un traître; autant de retournements qui vous contraignent à réviser vos alliances et vos tactiques.

Tout ceci est porté par un travail artistique exceptionnel : les illustrations à la manière de parchemins anciens incarnent la saga sous un jour artisanal sublime. Les voix off, quant à elles, posent chaque effet narratif avec justesse.
Enfin, l’immersion est complète grâce à l’évolution visible de Frosthaven : le village évolue, selon vos choix, jusqu’à incarner vos victoires ou vos échecs. Chaque bâtisse, chaque ruelle gagne en sens, en couleur, en vie ; l’univers s’écrit pour vous, geste après geste
Game System
Frosthaven est gargantuesque. Là où Gloomhaven était un monstre, Frosthaven est un titan : un jeu d’une richesse et d’une complexité d’orfèvre, où chaque partie ressemble à un chapitre épique d’une saga écrite à plusieurs mains.
Au cœur de Frosthaven, on retrouve ce système d’actions basées sur les cartes, héritage direct de Gloomhaven, mais ici poussé à son paroxysme. Chaque tour, le joueur choisit deux cartes de sa main : chacune propose une action en haut et une autre en bas, et la valeur d’initiative inscrite dessus détermine l’ordre de jeu. Cette mécanique, d’une originalité rare, ne ressemble à rien d’autre. Elle marie la construction de deck (car vos cartes définissent vos actions et évoluent au fil de la campagne), et la finesse d’un jeu de stratégie au tour par tour où la moindre décision peut sceller une victoire ou un échec.

Chaque carte a son utilité. Chaque personnage possède un deck unique, construit autour de mécaniques propres, et qui entre en synergie avec celui des autres aventuriers. On commence avec 6 classes jouables, mais 16 attendent d’être débloquées au fil de la campagne. Pour y parvenir, il faut que vos personnages accomplissent leur quête personnelle (collecter une somme d’or, vaincre un certain type d’ennemi, bâtir une structure ou explorer un environnement), puis prennent leur retraite. Ils ne disparaissent pas totalement : vous pourrez les recroiser en PNJ, signe que chaque destin personnel nourrit le récit collectif.

La variété des classes est une réussite en soi. Les vétérans de Gloomhaven pouvaient craindre une redite, mais Frosthaven renouvelle brillamment le casting. L’invocateur rappelle certains archétypes connus, tout en ajoutant de nouvelles nuances ; le porte-étendard repose sur une mécanique de soutien très différente ; et le guerrier bicéphale, capable d’alterner entre styles de combat (mêlée ou distance) selon la "posture" choisie, introduit une profondeur tactique inédite. Cette richesse rappelle la complexité d’un jeu comme Mage Knight ou d’un Divinity: Original Sin II, où chaque classe devient un puzzle stratégique à part entière.

La gestion des cartes rend chaque affrontement haletant. Une fois jouées, elles partent en défausse ; pour les récupérer, il faut se reposer et en sacrifier une définitivement pour le reste du scénario. Chaque choix rapproche de l’épuisement total, et donc de la défaite. Certaines cartes puissantes imposent même leur retrait immédiat : un sacrifice lourd, qu’il faut déclencher au moment opportun. Le système installe une tension constante, où traîner sur le champ de bataille est rarement une option.

Les effets de statut, plus nombreux que dans Gloomhaven, jouent un rôle crucial : bonus d’attaque, malus de défense, immobilisation, poison, renforts d’armure… autant de leviers qui peuvent renverser une partie.
La difficulté du titre et l’importance de chacun de vos choix est entaché par une absence qui me gêne souvent : impossible de recommencer son tour si on a fait une erreur. J’ai choisi avec soin les cartes de mes 3 personnages, je commence à les jouer, et finalement je me trompe sur le choix de carte de mon dernier perso, je voulais faire l’action du haut de la carte 1, et finalement je lance celui de la carte 2. Impossible d’annuler, je dois charger la partie jusqu’au début de la phase (donc refaire le choix de mes cartes). Heureusement que les sauvegardes automatiques se font à chaque tour, mais malgré tout les erreurs arrivent, par exemple oublier d’infuser un élément dans une action, et je suis obligé de tout recharger plutôt que de faire annuler et de revenir en arrière juste sur la dernière action, comme c’est le cas dans tous les jeux de stratégie au tour par tour. C’était déjà absent dans Gloomhaven, c’est toujours absent ici.

Je vous invite à lire mon test sur Gloomhaven jeu de société ou sa version jeu vidéo pour avoir plus de détails sur le système que je ne vais pas autant détailler ici.
En dehors des combats, Frosthaven introduit une phase d’avant-poste, grande nouveauté par rapport à son aîné :
- construction de bâtiments donnant accès à de nouvelles options d’artisanat ou à des bonus passifs,
- amélioration des personnages,
- utilisation des ressources (bois, fer, cuir, herbes) récupérées au combat pour forger armes, armures ou potions.
Là où le loot n’était qu’accessoire dans Gloomhaven car il permettait de récupérer uniquement de l’or, il devient dans Frosthaven vital. Ici, vous allez pouvoir récupérer de l’or certes, mais aussi du bois, du fer, des peaux, des herbes... Chaque ressource ramassée nourrit la croissance de votre base, ajoutant une dimension de gestion proche d’un jeu de gestion, où la survie de la communauté dépend autant de vos victoires que de vos choix d’investissements. Les ingrédients permettent de fabriquer des potions et des objets, ou de développer vos bâtiments pour vous donner toujours plus de possibilités et de choix à faire. Dommage toutefois que les règles de cette partie "ville" restent assez obscures : le tutoriel couvre les bases du combat, mais laisse le joueur expérimenter seul la logique de l’avant-poste, ses soldats et ses bâtiments.

Les scénarios fonctionnent autour d’objectifs variés : escorter des PNJ, défendre un lieu contre des vagues, réparer une structure endommagée, détruire tous les ennemis... Ils s’accompagnent de surprises scénaristiques : un totem de magie noire qui renforce les ennemis tant qu’il subsiste, ou un allié qui trahit le groupe en pleine mission. Ces éléments "puzzle" exigent d’adapter sa stratégie à la volée.
L’IA, fidèle aux origines plateau, fonctionne par patterns : chaque ennemi suit une séquence précise (trouver un focus, agir selon un ordre prédéfini). Elle n’est pas "intelligente" comme dans un XCOM, mais son comportement prévisible devient une donnée stratégique en soi. Connaître ces scripts permet d’anticiper et de planifier, même si la version numérique ne les explicite pas toujours, rendant le jeu plus ardu qu’autour d’une table.
Grâce à l’automatisation, les affrontements sont plus rapides : plus besoin de vérifier sans cesse les règles comme dans le jeu de plateau. Une mission à trois joueurs peut durer moins d’une heure quand vous êtes tous rôder, contre plusieurs heures sur table (surtout le temps d’installation du jeu), tout en conservant sa densité stratégique. Les premières parties restent longues, car il faut assimiler les capacités des personnages, les forces et faiblesses ennemies, et surtout apprendre à coordonner ses alliés.
Quelques ombres au tableau subsistent : l’interface, héritée de la version numérique de Gloomhaven, s’avère parfois lourde. Trop de clics pour consulter les infos ennemies, l’inventaire ou les capacités multi-effets, et l’absence de survol rapide pour inspecter gêne la fluidité. L’information est moins claire que sur les fiches cartonnées du jeu de société, notamment pour des données cruciales comme le nombre de cartes d’un personnage. Il m’est souvent arrivé de ne pas trouver l’information que je cherche, et parfois même de ne pas savoir comment sortir du menu que j’avais ouvert !
La progression repose sur plusieurs systèmes :
- montée de niveau, qui ajoute de nouvelles cartes puissantes à votre deck en passant de level grâce à l’XP,
- amélioration du deck de modificateurs d’attaque, qui influence chaque nombre de dégâts lors de vos attaques : retirer les malus, ajouter des bonus, ou greffer des effets spéciaux. L’obtention de ces compétences (ou "perk") se fait en remplissant des objectifs particuliers pendant les scénarios (tuer un ennemi en premier, looter plus que les autres, ne rien ramasser, rester collé à un mur, etc).
Ce dernier aspect est vital : un bon deck de modificateurs peut faire plus pour votre survie qu’un simple niveau élevé.
Ainsi, le "grind" n’apparaît jamais artificiel : on joue des scénarios pour obtenir ressources et améliorations concrètes, visibles dans les nouvelles cartes, les structures de la ville ou les synergies de l’équipe. Pas de barre d’XP abstraite, mais une progression tangible et signifiante.
Graphisme
Frosthaven restitue avec une grande fidélité l’esthétique du jeu de plateau, mais lui insuffle en même temps une dimension numérique qui magnifie son univers. L’identité visuelle est immédiatement reconnaissable : froide, tranchante, glaciale, comme si chaque décor portait la morsure de l’Everfrost. Les personnages, richement détaillés, semblent sculptés dans la glace et animés par une vitalité théâtrale : la lueur métallique d’une dague dans l’ombre, l’explosion runique qui embrase l’air autour d’un mage, tout est pensé pour donner du relief aux affrontements.

La cohérence artistique est remarquable : les cartes sont colorées avec soin pour différencier pièges, terrains et objets interactifs. Ce choix n’est pas anodin : avec une telle complexité de mécaniques et une telle profusion d’éléments à l’écran, la lisibilité aurait pu devenir un cauchemar. Au contraire, Frosthaven parvient à guider l’œil du joueur sans sacrifier l’élégance de son esthétique. Même dans les batailles les plus chaotiques, l’action reste intelligible, claire, compréhensible, ce qui est en soi un tour de force.

La direction artistique, glaciale mais vibrante, fait beaucoup pour l’immersion : on ressent le poids du froid, l’isolement du nord, la rudesse des contrées hostiles. Et malgré cette ambiance austère, le jeu demeure beau et coloré. L’ensemble impressionne par sa cohérence visuelle et sa fluidité technique : même lorsque des hordes d’ennemis submergent le champ de bataille, le moteur conserve des animations fluides et des performances stables, y compris sur des configurations modestes.
Bande son
La musique et les sons de Frosthaven ne se contentent pas d’accompagner l’action, les compositions musicales, soignées et inspirées, portent une véritable dimension atmosphérique, elles savent être discrètes, presque contemplatives dans les instants calmes, tout en gardant un souffle épique.
Les bruitages, eux, possèdent une personnalité ce qui est plutôt rare. Chaque coup, chaque incantation, chaque invocation se distingue par une signature sonore propre : le crépitement sec d’une décharge élémentaire, le claquement métallique d’un bouclier, le grondement lourd d’un impact au corps à corps. Ces détails donnent aux affrontements une intensité palpable, presque physique.

La voix off, sobre et mesurée, ajoute une dimension narrative qui enrichit encore l’immersion. Elle rythme les moments forts, confère du poids aux évènements, comme un conteur médiéval assis au coin d’un feu, qui narre les exploits de votre bande de mercenaires perdus dans les terres glacées. Elle ne surcharge jamais l’expérience, mais elle apporte juste ce qu’il faut de gravité pour que chaque mission s’inscrive dans la grande fresque de l’univers. Si l’anglais vous gêne, vous pouvez toujours la rendre muette pour juste profiter du texte.

Enfin, même les sons d’interface sont pensés pour être à la fois utiles et élégants : l’ouverture d’un menu, la pioche d’une carte, la confirmation d’un craft ont tous une sonorité discrète, mais cohérente avec l’identité globale. Ce paysage sonore, riche et équilibré, réussit l’essentiel : renforcer l’immersion sans jamais devenir envahissant.
Mon avis concernant Frosthaven sur PC
Frosthaven n’est pas seulement une suite : c’est une élévation. Là où Gloomhaven avait déjà posé les fondations d’un univers colossal, son cadet pousse les murs de la forteresse, ajoutant des couches de profondeur et de complexité dignes d’une véritable saga. La richesse de ses mécaniques, la variété des classes, l’importance accordée à la gestion des ressources et à l’évolution de l’avant-poste composent une expérience où chaque décision compte.
Frosthaven est un titan vidéoludique, un livre d’histoires vivantes où chaque partie devient un chapitre de votre propre légende. Un monument qui exige de ses joueurs patience et engagement, mais qui, en retour, leur offre la certitude d’avoir foulé une œuvre qui restera dans les mémoires comme l’un des plus grands récits interactifs du méd-fan.