Test BrokenLore: DON'T WATCH, l'horreur psychique dans toute sa noirceur
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Critique du jeu BrokenLore: DON'T WATCH sur PC
Il existe des lieux qu’on n’ouvre pas. Pas par oubli, mais par instinct de survie. Des lieux minuscules, étouffants, où la lumière semble hésiter à entrer, et où chaque silence pèse comme un verdict. Don’t Watch ne raconte pas une histoire : il la dissèque. Lentement. Avec la froideur clinique d’un regard qui ne cligne jamais. Vous n’y incarnez pas un héros, mais un fardeau. Celui que l’on cache, celui qu’on juge, celui que l’on regarde sans pitié.
Développé et édité par Serafini Productions, studio tokyoïte spécialiste de l’horreur psychique, BrokenLore : Don’t Watch est une immersion sans issue dans un isolement devenu matière. Le jeu ne vous attaque pas : il vous observe. Il attend. Et si vous pensez pouvoir détourner les yeux… alors vous n’avez rien compris à ce qui vous attend. Découvrez le test de BrokenLore: DON'T WATCH.
BrokenLore : Don’t Watch n’est pas un jeu. C’est une claustrophobie incarnée, une plongée lente et cruelle dans la psyché d’un homme rongé par le regard social...
Histoire
L’appartement est petit. Trop petit. Les murs, autrefois neutres, suintent désormais d’une tension latente, saturés par le silence et les regards. Shinji vit reclus. Non pas enfermé, mais absent au monde, rongé par une peur si profonde qu’elle a fini par se faire chair. Ce n’est pas la simple phobie de l’autre : c’est un isolement métastasé, une mise à l’écart volontaire du tissu social, une évaporation. Shinji est hikikomori.
Chaque geste du quotidien est une épreuve. Une pizza livrée devient un traumatisme rampant, et le téléphone, ce cordon ombilical distordu entre Shinji et sa mère, n’apporte que jugement et comparaison. Le frère modèle plane comme un fantôme sarcastique au-dessus de son esprit, tandis qu’un collecteur de dettes, figure oppressante de l’inéluctable, serre un peu plus l’étau chaque jour. Mais dans cette horreur stagnante, Shinji a trouvé une forme de routine, une stabilité morbide.
Jusqu’à ce qu’une voix du passé résonne à nouveau : Junko. Une ancienne connaissance d’un programme de réinsertion. Sa voix est cassée, hachurée par la peur. Elle évoque Hideo, un autre reclus, persuadé d’être observé dans son propre logement, avant de disparaître, mort dans des circonstances qui suintent l’inexplicable.
Shinji ne veut pas y croire. Pas encore. Mais l’appel a fissuré quelque chose. Et bientôt, ce sont les yeux qui arrivent. D’abord suggérés, puis imposés. Ils observent, jugent, dissèquent.
Un yokai émerge de l’ombre, Hyakume, le démon aux cent yeux. Mais ces yeux ne cherchent pas à comprendre. Ils ne cherchent même pas à voir. Ils veulent juger. Car la terreur de Shinji, ce n’est pas la mort. C’est le regard de l’autre, cette morsure sociale constante, celle qu’on traîne comme une chaîne invisible.
Son appartement devient son tombeau. Et pour en sortir, il n’y a qu’un seul moyen : soutenir le regard, ou s’effondrer. Il ne s’agit plus de fuir. Il faut affronter. La survie n’est plus physique. Elle est psychique. Et la chute, irrémédiable.
Game System
Don’t Watch n’est pas un jeu à finir. C’est un gouffre à contempler. À habiter. Le gameplay, presque inexistant, se fond dans une expérience volontairement minimaliste. Aucun HUD. Aucun tutoriel. Rien pour vous rassurer.
Les actions sont simples : interagir, observer, fuir… ou regarder. Chaque geste est chargé d’un poids symbolique, chaque mouvement semble absorbé par l’atmosphère. Pas d’énigmes alambiquées ni de phases techniques. Comme tous les jeux narratifs, les phases de gameplay sont parfois allongées pour étirer la durée de vie du jeu. Car le jeu vous ouvre la porte de l’angoisse, mais vous laisse seul pour y entrer.
En cas d’échec, un retour au dernier point de sauvegarde. Pas de sanction, mais la répétition du traumatisme. Le jeu ne cherche pas à être difficile. Il cherche à vous faire mal autrement. À vous faire sentir le vertige d’une conscience qui se désagrège. Etant donné la durée de vie du titre, je ne vous révèlerai pas les éléments forts du jeu, je vous laisserai les découvrir seul… si vous osez vous y aventurer.
Cette simplicité mécanique n’est pas un défaut, mais une méthode. Elle accentue l’isolement, la désorientation. Elle vous fait vivre l’effritement du moi. Et face à Hyakume, la vraie épreuve commence : regarderez-vous ?
Graphisme
L’appartement de Shinji est un lieu mort-vivant, saturé de détails infimes qui suintent la névrose. La lumière y est maladive, les ombres s’y insinuent avec une densité quasi organique. Rien n’est gratuit : chaque texture, chaque reflet, chaque fissure dans le mur raconte la décrépitude mentale de l’hôte.
Le monstre, Hyakume, est un sommet de malaise. Inspiré du folklore japonais, il est ici reconfiguré par une horreur contemporaine, sans fioriture. Pas un être criard ou grotesque, mais une présence, une somme d’yeux muets qui vous évaluent, vous écorchent de l’intérieur.
La direction artistique est atrocement cohérente, construite sur une esthétique de l’évitement : tout est fait pour vous faire voir ce que vous ne voulez pas voir. Le moindre détail est une fracture dans la réalité, une faille sensorielle. Le monstre n’est pas là pour effrayer. Il est là pour exister. Pour vous révéler.
Bande son
Le silence est roi. Et ce silence hurle. Pas de musique traditionnelle. Seulement des grondements lointains, des bruits d’appartement amplifiés, tordus, rendus inquiétants. Le souffle d’un frigo devient le râle d’une bête invisible. Le grincement d’un meuble devient un chuchotement de condamnation.
Quand la musique intervient, elle n’accompagne pas : elle contamine. Une nappe synthétique discrète, bourdonnante, s’installe comme une infiltration. L’intrusion sonore devient psychologique, vous tirant vers l’intérieur de Shinji, vers ce trou noir émotionnel où même le son a peur de résonner trop fort.
La voix de Junko, filtrée par le téléphone, sonne comme une incantation fatiguée. Celle de Shinji ? Rare, étouffée, étranglée. Car ici, les mots sont en trop. Ce sont les silences qui condamnent.
Mon avis concernant BrokenLore: DON'T WATCH sur PC
BrokenLore : Don’t Watch n’est pas un jeu. C’est une claustrophobie incarnée, une plongée lente et cruelle dans la psyché d’un homme rongé par le regard social. Ici, les monstres ne grognent pas. Ils jugent. Ici, le mal n’est pas dehors. Il est en nous, caché derrière les yeux.
Difficile de ne pas ressortir abimé de cette heure passée avec Shinji. Et si l’expérience est courte, elle vous laisse une brûlure lente, une trace que vous porterez longtemps. La fin, si vous l’atteignez sans détourner les yeux, offre une perspective terrible, une révélation douce-amère sur la nature du regard, de la honte, et du désir de disparaître.
Avoir peur dans un jeu vidéo est une sensation qui n’est pas si fréquente, malgré la pléthore de jeu de ce type. Mais quand un jeu y parvient, c’est une expérience intense. La note de 17/20 que j'ai mise, ne reflète pas la qualité technique, mais l’ambiance et le ressenti général de l’œuvre, ce qu’il évoque et ce qu’il propose comme expérience émotionnelle et narrative.